Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Au secours ! Au secours ! cria Pikturno. »

Sa voix se perdait peu à peu dans la nuit.

« Allons, décidez-vous, dit Dragomira en braquant sur lui son revolver.

— Je ne veux pas, je ne veux pas mourir ! disait le malheureux en gémissant et en cherchant à briser les cordes qui le retenaient.

— Confessez-vous.

— Je ne veux pas.

— Priez.

— Non, non !

— Alors, je vous sacrifie au nom de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Amen. »

Dragomira visa et fit feu. La balle se logea dans le bras droit. Le sang se mit à couler lentement sur la neige.

« Repentez-vous de vos péchés, il est encore temps.

— Au secours ! au secours ! »

La deuxième balle entra dans l’épaule gauche, Pikturno essaya de se mettre à genoux.

« Grâce ! disait-il en gémissant, pitié !

— C’est en Dieu qu’est la pitié, » reprit Dragomira tranquillement.

Et elle continua à tirer sur Pikturno avec autant de sang-froid que si elle eût visé un but. Un troisième coup le frappa à la cuisse ; un quatrième au ventre ; la dernière balle lui entra dans la poitrine.

« Achevez-moi, disait-il d’une voix suppliante, tuez-moi.

— Priez. »

Le malheureux fit une courte prière. Il y eut un éclair suivi d’une détonation, sa tête s’inclina sur sa poitrine, il était mort.

Dschika appuya son oreille contre le cœur de Pikturno. « Il ne vit plus », murmura-t-elle. Puis elle introduisit un doigt dans sa bouche et poussa un sifflement aigu pour rappeler les hommes. Pendant qu’ils creusaient une fosse sous le sapin, Dragomira sauta sur son cheval et reprit la route de Kiew.

Elle dormit le lendemain jusqu’à midi, et elle était assise devant sa table de toilette, occupée à se coiffer, lorsque le commissaire de police Bedrosseff, qu’il fut impossible d’arrêter, se précipita dans la chambre.

« Savez-vous, s’écria-t-il, l’aventure mystérieuse qui tient toute la ville en agitation ?