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LA PÊCHEUSE D’AMES.

clair et chaud. Alors une voiture arriva, et Sergitsch en descendit.

Il venait afin de prendre possession de la maison et du bien au nom de la confrérie dont il était président. Peu de temps après lui arrivèrent quatre des frères avec un cercueil. Le danger de la contagion fournit un prétexte commode pour éloigner toute autre personne. Dragomira mit la morte dans la bière qui fut aussitôt fermée. Sergitsch se rendit ensuite chez le directeur de la localité et chez le prêtre. Grâce à son éloquence sonnante, Sergitsch, « eu égard au caractère de la maladie qui avait emporté Mme Samaky », obtint l’autorisation de l’enterrer le soir même.

Quand tout fut terminé, Sergitsch revint à la maison de la morte et rentra dans sa chambre avec Dragomira.

« Je vous prie de rester encore ici, noble demoiselle, dit-il. Vous aurez encore à faire dans le voisinage, peut-être cette nuit même.

— De quoi s’agit-il ?

— Vous avez vu le jeune gentilhomme que la juive a pris dans ses filets ?

Pikturno ?

— Oui, cette nuit-ci ou la nuit prochaine, il aura un rendez-vous dans le cabaret qui se trouve sur la route, à moitié chemin de Kiew.

— Serons-nous là en sûreté ?

— Tout à fait en sûreté.

— J’attendrai donc ici votre message.

— Parfaitement. La maison nous appartient désormais, continua-t-il, vous êtes ici la maîtresse ; je vais signifier aux gens de service qu’ils sont à vos ordres et qu’ils doivent vous obéir en tout.

— Mais je ne peux pourtant pas dans ce costume ?…

— On y a pensé. Vous devez continuer ici à jouer votre rôle ; mais dans le cabaret de là-bas, vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour changer d’habillement.

— Bien.

— Je vous laisse maintenant. L’apôtre sera content de vous. Que le ciel vous bénisse ! » dit Sergitsch en terminant ; puis il remonta en voiture et partit.

Dragomira resta seule dans cette maison silencieuse, solitaire, sinistre. Les gens de service étaient réunis dans le fournil qui se trouvait de l’autre côté de la cour. De temps en temps