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LA FEMME SÉPARÉE

et toujours amusant. Au commencement de nos relations, mon mari avait accueilli le comte à bras ouverts, comme chacun de mes adorateurs ; cependant, peu à peu, il se montra méfiant et désagréable et enfin commença à me soupçonner sérieusement.

Un jour que nous prenions le thé ensemble, mon mari sortit et se rendit à la cuisine, sous prétexte d’y donner des ordres. Il revint bientôt par le couloir opposé, ôta ses bottes, se glissa sur la pointe des pieds jusqu’à la porte du réfectoire et regarda par le trou de la serrure. C’est du moins ce qu’il m’avoua par la suite. Cependant le comte m’avait dit :

— Anna…

— Vous vous nommez Anna ? demandai-je précipitamment.

— Oui, pourquoi ne m’appellerais-je pas ainsi ?

— Pardon ! je vous ai interrompue.

— Donc, le comte me dit : Anna, ne bougez pas. Je crois que votre mari nous épie. Et, vraiment, lorsque celui-ci nous examina par le trou de la serrure, il nous vit, assis l’un en face de l’autre, impassibles, et nous entretenant de modes nouvelles.

Dans le monde, le comte passait pour mon chevalier, pas davantage. Il se comportait d’une fa-