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LA FEMME SÉPARÉE

je n’aimais pas mon mari ; — après les noces, je me pris à le détester. J’éprouvais une sorte de félicité à l’idée de le faire souffrir, de lui préparer des tourments. Cela m’était facile. Je restais froide auprès de lui.

Il m’aimait à sa manière, d’une façon brutale, comme la plupart des hommes du monde.

Avec cela, il eut le défaut de mon père. Il voulait, avec moi, faire de l’effet ; durant les premières années de notre union, il commandait lui-même mes toilettes, il en dessinait les modèles sur du papier, il en indiquait les couleurs ; il m’habillait souvent lui-même des pieds à la tête.

Croyez-vous donc que, dans de telles conditions, la poésie subsiste chez la femme ? Et croyez-vous que la femme puisse rester bonne lorsqu’elle n’est occupée que de sa beauté, de ses avantages extérieurs, lorsqu’elle ne songe qu’à les faire valoir ?

Mon mari se servait de moi comme d’une sorte d’appât. Il ne réfléchissait pas qu’ainsi il me poussait vers l’abîme.

J’étais constamment entourée de l’élite de la société. Un seul de mes adorateurs eût éclairé la vie entière d’une autre femme ; mais je ne recherchais que le plaisir. Je ne songeais qu’à me divertir. Cela finit par me lasser au bout d’un certain temps.

Je ne sentis le prix du luxe dans lequel j’avais