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LA FEMME SÉPARÉE

la maison en longeant la haie, tandis que je la suivais à cheval, au pas. Nous gardions tous deux le silence. Je pus l’examiner à mon aise. Elle me parut tout autre, cette fois. Je trouvai en elle ce mélange de beauté et de désordre que respirait tout le château : « Une Vénus, elle aussi, me disais-je, les bras brisés, une corde au cou ! »

Elle était poitrinaire, cela ne faisait aucun doute. Les belles lignes de sa taille avaient des contours anguleux. Le cou et la poitrine étaient légèrement enfoncés. Sur ses joues pâles flottait une rougeur fiévreuse et fugitive ; sa démarche craintive laissait deviner une énorme lassitude. Elle toussait par moments, d’une toux sèche.

Malgré cela, elle était encore belle. Sa beauté était celle d’un vampire. Son profil pur était empreint d’un cachet de dureté extraordinaire ; son nez transparent, aux narines mobiles et voluptueuses, était d’une perfection que l’on ne rencontre que rarement, même sur les camées antiques ; sa petite bouche, à demi ouverte, aux lèvres frémissantes, ses yeux bruns, pas grands, mais brillant d’une lueur étrange et comme phosphorescente, étaient entourés d’ombres profondes ; les paupières, en se fermant brusquement, lui donnaient quelque chose de sournois. Tout en elle respirait un égoïsme profond ; elle avait cependant quelque chose de voluptueux et de très doux.