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LA FEMME SÉPARÉE

Mme de Kossow avait aussi une voix, non pas comme femme, car elle était représentée par son procureur ; bref, elle avait une voix, et je fondis sur cette occasion splendide de lui rendre visite sous prétexte de la gagner à notre cause.

C’était un jour d’automne, triste et sombre, au soleil voilé, à l’air lourd, humide, imprégné d’odeurs fortes ; je me rendis à cheval à la seigneurie de Tudiow.

La campagne paraissait engourdie, livrée à un immense dépérissement. Le ciel était sans mouvement ; de légers nuages flottaient sur les monts et les eaux ; la forêt fauchait la terre de ses feuilles d’un jaune ou d’un rouge métallique, qui formaient des tas semblables à des monceaux d’or mouvants ; le vent, avec un léger frisson, promenait au hasard des fils de la vierge, qu’il jetait comme des réseaux sur les arbres et les plantes. La seigneurie de Tudiow est située passablement loin de son joli village, et entourée d’un immense parc, dans l’ombre duquel elle a l’air de se cacher. Chose étrange, l’ensemble porte la marque de la richesse, d’un goût distingué, et est avec cela négligé, presque en désordre. Ses énormes dépendances noires sont comme si elles avaient été pillées ; la maison d’habitation, avec ses taches bariolées et ses jalousies brisées, semble complètement abandonnée. Puis, tout a l’air mort