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LA FEMME SÉPARÉE

demanderaient pas mieux que d’adopter cette coutume ; mais, Dieu soit loué, nous en sommes encore loin !

— Qui sait ? dit Katinka en riant.

— Mais vos théories versent dans le nihilisme ! Elles aboutissent infailliblement au démembrement de la famille et à l’abolition du mariage, dis-je après une pause. Cet état ne serait-il pas plutôt défavorable à la femme ?

— Le père, dans ce cas, devra s’occuper d’une autre manière de l’avenir de son enfant, répondit Katinka. Mais si la femme est indépendante, quant aux rapports sensuels, comme l’homme, si elle peut vivre librement avec lui sans cesser d’être respectée, comme par exemple l’actrice de nos jours, alors seulement, et croyez-moi, la liaison durable et intellectuelle entre les sexes deviendra possible, car, dans ce cas, le mariage restera toujours l’idéal des rapports entre un homme et une femme. Je me représente la femme de l’avenir comme l’Aspasie grecque ou Ninon de l’Enclos, les régents, les penseurs, les savants, les poètes et les artistes à ses pieds, les dirigeant par quelque fil invisible, leur donnant de l’entrain et leur posant des problèmes. Ninon de l’Enclos est, à mes yeux, plus que toutes les autres femmes remarquables, un modèle à suivre. Belle, aimable, spirituelle et riche, elle semblait