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LA FEMME SÉPARÉE

Je ne veux pas t’affliger.
Je t’aimai, muet, sans espoir et avec douleur,
Avec toutes les tortures qu’un tel amour procure.
Je t’aimais sincèrement et de tout mon cœur.
Dieu veuille que tu rencontres encore un pareil amour !

— Hélas ! encore une occasion que j’ai perdue. Son grand et noble cœur m’était rouvert ; un mot de moi eût suffi pour tout faire oublier. Je ne le dis pas. Je restai muette, je ne trouvai pas de paroles, je ne bougeai même pas, étendue sur mes moelleux coussins comme une femme de marbre. Et ainsi le bonheur disparut encore sans que je le saisisse. Maintenant, vous savez pourquoi ces vers de Pouschkine me rendent triste.

Quand je les entends répéter, de doux souvenirs s’éveillent en moi, et des images chères flottent devant mes yeux. — Oui, tout est passé, tout est fini !

Mme de Kossow ferma les yeux ; ses paupières se baissèrent comme un voile. Il y eut un moment de tranquillité dans la chambre ; le feu pétillait avec des flamboiements tristes.

— Et comme la vie, non contente de nous briser, nous raille parfois ! Maintenant que nous n’y tenions plus ni l’un ni l’autre, le succès répandait sur la tête de Julian sa pluie d’or. Sa nouvelle comédie était terminée. Il nous la lut. Nous fûmes tous sous le charme. Lorsqu’il eut terminé sa lecture,