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LA FEMME SÉPARÉE

rencontrée. Je lui plaisais, car j’étais le seul qui ne fût pas épris d’elle. Elle sourit en me voyant arriver à sa rencontre, arrêta son impétueux cheval noir qui, piaffant d’impatience, mordillait son frein et soufflait comme une fournaise, et me tendit la main. Je m’arrêtai près d’elle et je la considérai avec satisfaction. Elle avait un délicieux petit visage aux traits irréguliers, éclairés par un ravissant et doux sourire, des lèvres pleines et rouges et, entre deux yeux brillants de langueur, un joli petit nez retroussé ; quelques boucles de ses fins cheveux châtains se jouaient sur son front d’enfant. Puis, quel amour de petite oreille, et que sa taille était mignonne, cambrée, et pourtant rondelette ! Elle mettait aussi une grâce toute particulière à se balancer sur ses hanches.

— Peut-on savoir d’où vous venez, belle Ninon ? lui demandai-je.

— Pourquoi m’appelez-vous Ninon ? repliqua-t-elle.

— N’êtes-vous pas notre Ninon de l’Enclos ?

— Vous voulez me fâcher, dit-elle. Mais cette comparaison me plaît. Oui, elle me rend fière.

— D’où donc arrivez-vous, belle Ninon ?

— De chez Mme de Kossow, dit Katinka d’un air innocent.

— De chez Mme de Kossow ? m’écriai-je avec une