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LA FEMME SÉPARÉE

résolution de me mettre sérieusement à sa recherche. Je ne tardai pas à découvrir la seigneurie isolée de Tudiow qu’elle habitait. Et dès ce jour, du matin au soir, j’errai sur ses terres avec mon chien et mon fusil, comme à la recherche d’un gibier. Mais je ne rencontrai que quelques poules, çà et là des bécasses, une fois un lièvre.

D’elle, je ne découvris aucune trace !

Un jour je me trouvai à cheval sur une petite colline, dans la forêt, d’où je voyais à merveille la route boisée qui menait directement à Tudiow.

Le moment me parut propice ; car, tout à coup, je vis une femme à cheval sortir du fourré. Je distinguai à merveille son amazone flottant et sa taille. Il n’y avait que ses traits que je ne pouvais pas bien distinguer, mais je remarquai qu’elle avait une chevelure sombre. Prenant vivement ma résolution, je donnai de l’éperon à ma monture, et galopai à sa rencontre. À distance, elle me fit un signe avec la main, car elle m’avait reconnu et je la reconnus bientôt à mon tour. C’était une de mes bonnes amies, Katinka de Mogelnicki, une jeune veuve émancipée, barine de sept villages, et devant laquelle tous les jeunes gens de la contrée courbaient le front dans la poussière. Elle m’inspirait, à moi, un certain respect. C’est la femme la plus gaie, la plus sensuelle et la plus estimable que j’aie jamais