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LA FEMME SÉPARÉE

rongé, — il prétendait que son nez avait été gelé durant une campagne, — aux dents noires et pourries, exhalant, lorsqu’il parlait, une puanteur impossible ; ses paupières étaient constamment gonflées ; ses yeux verts suintaient une humeur verdâtre ; il portait une barbiche taillée en rond, de couleur rouge, et il était presque complètement chauve. Maintenant, mon cher, vous avez devant vous le portrait fidèle de l’homme pour l’amour de qui je perdis Julian.

— Est-ce possible ?

Mme de Kossow se mit à rire, d’un rire rauque, sans doute de ce rire dont parlait Julian dans sa description de la nuit de bal.

— Ne questionnez jamais une femme sur les mobiles qui la font agir ! s’écria-t-elle avec impatience, après un instant. Je vous affirme que si elle vous indique un de ses mobiles, elle ment, oui, ou elle se ment à elle-même. Car ce qu’il y a de satanique chez la femme, c’est qu’elle agit toujours en vertu d’une impulsion soudaine, étrange, dont elle-même ne peut souvent se rendre compte. La femme est un mystère. Elle échappe à toute analyse, et c’est ce qui la rend si dangereuse à l’homme, si funeste bien souvent.

Lorsque le comte Henryk, qui avait l’âme généreuse, lui aussi, eut ouvert sa bourse aux deux émigrés, continua Mme de Kossow, Blotnizki se rétablit