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LA FEMME SÉPARÉE

but de sa vie ; elle en arrivera bien vite à trouver qu’elle est trop peu aimée pour ce qu’elle offre, qu’on la néglige, et alors elle cherche un amusement, une distraction qui la dédommage. Voilà ce qui perd la femme. Quand elle en est arrivée là, elle s’éprend d’un autre, elle aime deux hommes à la fois, elle les trompe tous les deux, elle les rend malheureux, et souffre elle-même de cet état de choses.

— Je suis tout étonné, lui dis-je, de votre jugement inexorable. Comme vous vous condamnez sévèrement !

— Mon Dieu, répondit-elle d’un air distrait, vous savez, nous vous prenons toujours pour des souverains, des sages ou des martyrs. Puis, plus tard, il nous semble que dans le passé nous n’avons été que des mendiants, des imbéciles ou même des coquins.

Nous nous tûmes un instant. Elle avait baissé la tête. Je regardai avec tristesse son beau visage incliné, si pâle, aux traits doux et tristes.

— Pourquoi me regardez-vous ? dit-elle brusquement.

— Je suis curieux de savoir comment Julian et vous, vous vous êtes séparés.

— Préparez-vous à une confession horrible, dit-elle d’une voix étranglée. Je me sens défaillir, aujourd’hui encore, quand j’y songe. Ainsi… oui… oui…, vous comprenez, jusque-là, j’avais été habituée à