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LA FEMME SÉPARÉE

— Ainsi, vous ne croyez pas à la durée de l’amour, à une concorde persistante entre l’homme et la femme ? lui demandai-je, afin de savoir son jugement à cet égard.

— Non, et mille fois non, quant à ce qui concerne la femme « bien élevée » par exemple, s’écria Mme de Kossow.

— Êtes-vous pour ou contre la civilisation chez la femme ?

Elle secoua la tête.

— Écoutez-moi jusqu’à la fin. Oui, si nous recevions l’éducation que reçoivent les hommes. Mais notre éducation, à nous, sert tout au plus à nous faire prendre en grippe les travaux manuels, les travaux du ménage, ceux enfin auxquels la femme est assujettie le plus souvent. J’ai passé par là, et vous pouvez en croire mon expérience. Chaque homme a besoin d’une compagne appartenant à son milieu. Donnez à un paysan une paysanne, à un négociant une commerçante et à un homme politique une Mme Roland, qui, comme lui, s’intéresse aux intérêts et à la grandeur d’un pays.

Notre femme « bien élevée », elle, ne demande à l’homme que son amour, parce qu’elle-même ne se sent pas capable de lui offrir autre chose en compensation ; elle exige qu’il se consacre à cet amour, du matin au soir, parce qu’elle a fait de cet amour le