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LA FEMME SÉPARÉE

cela. La pension que me servait mon mari subvenait à peine aux besoins de ma toilette. Je dépendais donc entièrement de Julian maintenant.

Vous pensez bien qu’à cette nouvelle le peu d’honneur qui me restait se révolta. Vraiment, je n’étais plus l’orgueilleuse souveraine qui accordait à Julian ses précieuses faveurs. Qu’étais-je ? sa maîtresse, tout simplement, une femme entretenue. Et bientôt je me mis à vivre comme une de ces créatures. Non contente de dépenser l’argent de Julian, je me mis à le maltraiter et à le tourmenter avec mes caprices.

J’oubliais que l’argent qu’il me remettait était de l’argent honnêtement et péniblement gagné. Je m’impatientais souvent, je lui faisais des reproches, je lui faisais des scènes, lorsqu’une difficulté se présentait et qu’il n’était pas en mon pouvoir de l’aplanir.

Ce pauvre Julian ! Jusque-là, je vous assure, il avait tout à fait vécu à la don Quichotte.

A-t-on jamais vu des chevaliers errants avoir des créanciers ? Depuis quand les tailleurs leur envoient-ils des factures et l’aubergiste leur fait-il payer leur écot ?

Peu à peu, les petites dettes de Julian s’accumulaient. Son libraire, son tailleur, son épicier envoyaient leurs notes. Il ne les payait pas tout