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LA FEMME SÉPARÉE

fiance entre nous. Et cette méfiance augmenta de jour en jour ; bientôt elle fut plus grande que mon amour.

— Et quel était votre projet ? demandai-je, extrêmement anxieux. Qu’auriez-vous fait à Julian s’il vous avait suivie ?

— Ah ! tout était préparé jusque dans les moindres détails, répondit-elle en souriant. La générale — la comtesse Mnichek, cette femme qui jadis, aux eaux, avait fait à Julian des avances et s’était vue repoussée par lui, la seule de mes amies qui m’eût conservé un peu d’affection — avait combiné avec moi cette aventure plaisante. Elle avait mis à ma disposition une villa qu’elle possédait loin de la ville, au milieu d’un immense parc. C’était elle qui m’avait écrit le billet ; l’équipage lui appartenait, ainsi que le mouchoir marqué d’une couronne de comte. Elle-même m’accompagnait, revêtue d’un domino pourpre. Si Julian avait succombé à la tentation de me suivre, il était perdu. Aussitôt qu’il aurait été bâillonné et garrotté par nous dans notre voiture, rien n’eût pu le soustraire à ma vengeance. Un vieux et fidèle serviteur de la comtesse conduisait les chevaux ; deux de ses laquais, masqués, avaient été envoyés à la villa, attendant nos ordres.

Nous aurions introduit Julian dans un appartement exquis d’élégance et de luxe. Nous lui aurions enlevé