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LA FEMME SÉPARÉE

de rire qui me glace et qui m’enivre, et me tourne le dos avec mépris. Un instant je me sentis comme anéanti, puis je pris la résolution de pénétrer le secret de cette femme. Je la suivis à travers la salle et jusqu’au bas de l’escalier. Je la vis monter en voiture avec sa compagne.

» Je me jette alors dans un fiacre, qui stationne à quelque distance, et j’ordonne au cocher de ne pas perdre l’équipage de vue un seul instant. Une chasse insensée commence. Je traverse la ville, les faubourgs… Tout à coup l’équipage s’arrête… Est-ce que je rêve, vraiment ? — Non ! La voiture s’est arrêtée devant la petite maison où demeure Anna. Ces dames sortent de voiture, je les suis… elles montent l’escalier, la porte reste ouverte, je suis en haut en quelques bonds, et, au moment où elle détache son masque, je presse Anna dans mes bras. Elle part d’un éclat de rire, elle se fâche, essaie de bouder, puis se remet à rire, et frappe joyeusement des mains, à l’idée de l’excellent tour qu’elle vient de me jouer. »

— Il est vrai que je ris, affirma Mme de Kossow. J’étais forcée de convenir qu’il avait honnêtement résisté à une tentation bien grande. Toutefois, il avait hésité un instant, mes paroles l’avaient ému, je l’avais vu sur le point de se donner à une inconnue. Aussi l’aventure de cette nuit engendra-t-elle la mé-