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LA FEMME SÉPARÉE

se bercent dans les ramures, au clair de la lune, chantant et appelant les passants pour les étrangler ensuite avec leur blonde chevelure.

» Le parfum de violette dont ses vêtements étaient imprégnés me montait doucement à la tête et me donnait le vertige.

» — Comment t’appelles-tu ? demandai-je.

» — Suleika.

» — Tu es Russe ?

» — Pour toi, je ne suis qu’une femme.

» — Comment cela ?

» — Oui… une femme qui s’intéresse à toi plus que tu ne le supposes, une femme qui te suit pas à pas, une femme qui te plaint du fond du cœur.

» — Qui me plaint ? m’écriai-je.

» — Oui, certes ; tu as du talent, mais ton talent ne peut s’épanouir, parce que tu as peur de te jeter, tête baissée, dans les orages de la vie. Avant tout, vois-tu, la description de tes caractères de femmes est fausse et monotone.

» Là-dessus, elle se mit à rire d’un rire nerveux qui me fit tressaillir.

» — Dans toutes tes œuvres on retrouve la même femme, continua-t-elle ; ta poésie n’a qu’une face, elle est pauvre comme ton amour… Ah ! c’est que je connais ton modèle manqué…

» — Sais-tu aussi combien je l’aime ?