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LA FEMME SÉPARÉE

pendant je lui trouvais quelque chose qui m’étonnait. Son amour, jadis si humble, était devenu despotique. Bref, je ne reconnaissais plus Julian.

Vous comprenez que je mis tout en jeu pour m’assurer de nouveau son amour et incarner pour lui cet idéal que son imagination créait sans cesse.

Tenez, représentez-vous quelque chose dans ce goût-là.

Un pays de steppes aux étendues infinies, où s’égare un voyageur sans armes, sans défense. Une belle femme sauvage arrive tout à coup, au galop ; son coursier se cabre sous elle, écumant ; elle le maîtrise d’une main ferme. Elle regarde l’étranger. Il paraît lui plaire. Aussitôt un sifflement strident traverse l’air. Des Cosaques accourent en foule. Sur un signe de la jolie femme, ils s’emparent de l’étranger, ils le tiennent, ils le bâillonnent, ils lui bandent les yeux et l’emportent. Lorsque le jeune homme revient de sa frayeur, il se trouve dans un salon meublé avec un luxe asiatique. Une ottomane étale ses étoffes moelleuses. La belle femme y est couchée nonchalante, à demi vêtue. Sa petite main joue avec un fouet.

— Tu es en mon pouvoir, dit-elle. Mon autorité ici est absolue. Je suis la reine d’un pays immense. J’ai à mes pieds des milliers de sujets qui ne de-