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LA FEMME SÉPARÉE

J’agissais sans doute plus loyalement qu’autrefois. Mais je m’étais sentie plus heureuse lorsque mon honnêteté n’était qu’un vain mot. Mes plaintes, mes larmes, mes gémissements continuels finirent par lasser Julian. Il renonça à lutter contre la société, sa foi chancela, et lui aussi était souvent taciturne.

Son amour diminua lorsqu’il me vit bouder sans cesse et être toujours de mauvaise humeur.

En somme, c’est la perte de ma position sociale qui fut cause de notre rupture.

Je vis Julian se refroidir d’abord à mon égard. De gai qu’il était, il devint triste. Et sans le vouloir, je me pris à douter de la durée de son amour.

Éternelle énigme de la nature humaine qui désire, qui espère et doute toujours.

L’idéal de Julian était une femme cruelle, une femme comme la grande Catherine. Et moi, hélas ! j’étais lâche et faible. Je ne pouvais prendre ce caractère dominateur aussi facilement que je revêtais ma pelisse princière : depuis que la fière amazone qu’il avait rêvée s’était transformée en une faible femme, une femme qui cachait en pleurant sa tête sur sa poitrine à toute occasion, je sentais qu’il avait changé à mon égard. Sa conduite vis-à-vis de moi était la même. Et ce-