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LA FEMME SÉPARÉE

gés du monde, qui avait supporté les ennuis de notre fausse position avec patience, Julian fut anéanti lorsqu’il entendit cette calomnie. Souvent il pleura de colère en constatant son impuissance vis-à-vis d’une population idiote et qu’on ne pouvait provoquer.

Voilà que son idole était dans la boue maintenant, et que tous ceux qui passaient près d’elle lui crachaient au visage. Lorsque je compris entièrement l’irrégularité de ma position et que je vis que pour les autres j’étais une paria, une femme dégradée et rien de plus, ma fierté se révolta. Et quoique j’estimasse fort le caractère chevaleresque de Julian, son grand cœur et son courage, tout son amour ne suffisait pas à lui faire oublier les ennuis de ma situation ou seulement à sécher mes larmes. Son cœur était pur. Le mien ne l’était pas. La femme, une fois tombée, ne retrouve jamais son équilibre. Au lieu de la soutenir, la société et même son propre orgueil la condamnent.

Julian voulait me conduire au bonheur sur le chemin de la vertu, sans s’inquiéter de la boue qu’on nous jetait de toutes parts. Hélas ! j’étais incapable de le suivre. Ma bonne conscience ne remplaçait pas pour moi la perte de ma bonne réputation. L’apparence d’honnêteté me paraissait maintenant préférable à cette honnêteté franche que le monde réprouvait.