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LA FEMME SÉPARÉE

tendait devant le perron. Mais les messieurs et les dames qui remplissaient le foyer semblaient s’être entendus pour ne pas me faire place. J’eus beau avancer et dire pardon à plusieurs reprises, on ne parut pas m’entendre. À ce moment, survint Julian. Il me donna le bras, bouscula un jeune homme qui ne se dérangeait pas, et le repoussa contre la muraille. En un instant le corridor fut vide.

Hélas ! ses efforts n’améliorèrent pas ma position. Plusieurs propositions qui me furent faites me montrèrent à quel point le monde estimait encore ma vertu. On m’appréciait comme une marchandise, bien que le prix qu’on m’offrait en échange de mes faveurs fût des plus fabuleux.

L’une de ces propositions me fut adressée par un riche magnat, l’autre par un prince d’une famille régnante. Malgré l’offense énorme qui résultait de ces offres, j’étais flattée au fond de connaître quelles sommes folles on eût données pour jouir de mes faveurs. Je me sentais grisée à l’idée de jouer le rôle d’une seconde Pompadour. Aussi m’arriva-t-il souvent de braquer ma lorgnette sur la loge du prince, au théâtre, ou de paraître à la fenêtre lorsqu’il paradait à cheval.

Naturellement, je passai bientôt aux yeux de toute la ville pour la maîtresse du prince. Julian, qui avait jusque-là lutté avec joie contre les préju-