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LA FEMME SÉPARÉE

Ce qu’il y avait de drôle, c’était l’effarement avec lequel il se défendait de l’accusation que je portais contre lui en lui affirmant qu’il était amoureux de moi. Il l’était certainement quelque peu, c’est-à-dire qu’il m’aimait comme on aime une héroïne de roman, une héroïne de drame. Il souffrait avec moi, il tremblait quand notre roman prenait une tournure qu’il n’avait pas rêvée, il bâillait pendant les entr’actes de notre tragédie, ces entr’actes qui nous rendaient si parfaitement heureux.

Hélas ! le rideau se releva bien trop tôt à notre gré. Le nouvel acte de la tragédie de notre existence commença par une violente altercation entre mon mari et moi.

Un matin Kossow entra dans mon boudoir, boutonné jusqu’au menton, son chapeau sur la tête.

— Je viens t’annoncer, dit-il d’un air fort indifférent, bien qu’il sût que chacune de ses paroles me déchirait le cœur, que les enfants seront envoyés en pension aujourd’hui même.

— En pension ! m’écriai-je.

— Aujourd’hui même.

— Et pourquoi donc ?

— Parce que tu es incapable de remplir à leur égard tes devoirs de mère. Ton père est parfaitement de mon avis. Ainsi, tu n’as rien à objecter.