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LA FEMME SÉPARÉE

modelés par la nature ! Je contemple avec extase chacun des petits doigts roses de ma déesse.

» Elle s’aperçoit de l’effet que sa beauté produit sur moi. Et elle sourit, heureuse, triomphante, avec une innocente malice.

» C’est que mes sens sont calmes, apaisés par le sentiment religieux qui me possède. Il me semblait qu’en m’extasiant devant toutes ces perfections, je m’extasiais devant un temple. Il me semblait que de son corps s’échappaient une lueur divine, un parfum céleste, plus pur et plus saint que l’encens.

» Dans mon âme, à cette heure, il ne se passait rien de voluptueux, il n’y avait pas d’ombre, pas de pensée terrestre. Lorsque, enfin, avec majesté elle me tendit la main, je mis un genou à terre et je lui baisai le pied. Elle me comprit. Elle ramena pudiquement sur elle sa pelisse d’hermine et me congédia du geste. »

Je fermai le journal de Julian, et je le posai sur la table, sans parler.

Elle avait baissé la tête pendant que je lisais ; ses longs cils, dorés par la flamme des bougies, tressaillaient de temps à autre. Enfin, elle ouvrit les yeux et fixa sur moi son regard ardent.

— Vous rappelez-vous notre première entrevue ? demanda-t-elle d’un ton doux. J’ai été belle. Je ne