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LA FEMME SÉPARÉE

sa pelisse d’hermine, dont le velours écarlate projetait comme des flammes autour d’elle.

» — Ne t’approche pas trop !

» Je m’adossai au marbre de la cheminée, et j’attendis, ne comprenant pas.

» — Je t’aime, Julian, dit-elle avec un enthousiasme qui me surprit.

» — Je l’espère, chère âme, répondis-je.

» — Veux-tu savoir aussi à quel point je t’aime, je t’adore ? Regarde-moi. Je veux te prouver mon amour.

» Elle détourna la tête par un mouvement pudique, et se dépouilla de sa pelisse, qui glissa lourdement à terre.

» Je poussai un cri. Je demeurai immobile. Mon œil resta fixé sur elle, et un frisson immense me saisit.

» Elle reposait là, les yeux fermés, la bouche dédaigneuse, comme une statue de marbre. Jamais je ne l’aurais crue si belle. Sur son corps éblouissant courait comme un rayon de jeunesse. Impossible de rendre la pureté de ses lignes. La chair en était ferme. On voyait le sang circuler sous la peau tendue, bleuie de place en place par le réseau des veines. À demi couchée, le menton dans la paume de sa main gauche, elle laissait pendre négligemment son bras droit jusqu’à terre, où ses doigts jouaient