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LA FEMME SÉPARÉE

de la réputation la plus détestable. Comme elles n’avaient pour vivre qu’une petite pension, elles s’attachèrent comme des pieuvres à Kossow, qui menait un train de grand seigneur et passait partout pour possesseur d’une immense fortune. Du reste, ces dames me rendirent un grand service. Mon mari s’éprit pour Lodoïska d’une si vive passion qu’il m’oublia complètement.

Lorsqu’il revint à la ville, en automne, je conservai ma liberté comme pendant son absence ; il ne s’occupa de moi que de temps en temps, pour me jeter à la face quelques injures.

Et, de même qu’il avait traité ma liaison avec Julian avec la plus grande sévérité, de même il poussa l’audace jusqu’à l’extrême dans ses rapports avec Lodoïska. Il loua pour sa maîtresse un joli logement dans notre maison, où elle vint habiter avec sa mère. Il me força à la voir et à l’accepter dans notre loge de théâtre. Au commencement de décembre, Julian me quitta : il était chargé en Bukowine d’une mission politique.

Cette séparation eut du bon. Ma belle-mère, femme très galante et très expérimentée, me dit un jour froidement :

— Ne comprenez-vous pas que vous perdez Julian, que son amour pour vous se consume lentement ? S’il vous délaisse, vous l’aurez mérité : vous le traitez