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LA FEMME SÉPARÉE

baignée de larmes. Mais comme il me remontait le moral et me fortifiait ! Son caractère s’était encore renforcé dans les derniers temps. Tandis que je m’étais laissé secouer comme une fleur sous les coups de l’ouragan, Julian avait recommencé à travailler avec courage. Il avait fait le plan d’une comédie. Lorsqu’il m’en lut les premières scènes, j’oubliai un instant ma misère, tant elles contenaient d’esprit et de situations intéressantes. Je m’agenouillai près de sa chaise et je le contemplai avec un joyeux sourire.

Nous avions échangé nos rôles. Son caractère sérieux, sa sévérité, son génie m’en imposaient ; autrefois, c’était ma beauté, c’était la prétendue force de mon caractère qui le dominaient.

Bientôt, cependant, mes plaintes, mes soupirs, mes larmes, le sentiment de mon devoir troublèrent notre joie et notre tranquillité.

Julian souffrait de cet état de choses. Un temps assez long se passa. Il ne m’adressait pas un reproche. Enfin, sa nature se révolta contre le supplice que je lui faisais endurer. Il s’emporta sérieusement et exigea ma séparation d’avec mon mari. J’ignore aujourd’hui encore où je trouvai la force de lui déclarer que jamais je ne me séparerais de mes enfants.

— Tu les aimes donc plus que moi ? s’écria Julian.