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LA FEMME SÉPARÉE

— Oui, je l’aime, je l’adore et je l’estime autant que je te méprise, toi ! Maintenant, écoute. Je ne veux pas être, je ne serai pas la femme de deux hommes à la fois. Je vais me séparer de toi, et je jure de lui appartenir à lui seul. Je ne le quitterai pas, je ne l’abandonnerai jamais, entends-tu ? J’y suis décidée.

— Recommences-tu tes histoires, folle ? cria mon mari exaspéré.

— Je ne recommence rien. Il y a longtemps que tout est fini, dis-je, très calme, mais les yeux luisants de colère. Ne me menace pas, vois-tu, sans quoi je te dénonce à la justice, et tu subiras le sort que tu mérites.

Et comme mon mari se jetait par terre, se frappait à coups de poings, s’arrachait la barbe et me suivait dans la chambre à genoux, en me demandant grâce, comme il embrassait ma robe en sanglotant, je le regardai sans pitié, avec un sourire de triomphe. Je me rappelai sa perfidie, les offenses dont il m’avait criblée autrefois, sa rudesse et ses mauvais traitements. Je le regardai encore, froidement et avec dédain. Puis je le repoussai du pied, je m’enfuis dans ma chambre et m’y enfermai à double tour de clef.

À partir de ce moment, nous eûmes des scènes chaque jour. J’arrivais constamment chez Julian,