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LA FEMME SÉPARÉE

— Que-voulez vous dire ? demanda mon père en s’essuyant le front.

— J’exige, repartit Julian, que vous accomplissiez votre devoir de père, si vous avez en vous une étincelle de cœur et d’honneur. Ce coquin-là — il désigna Kossow — qui s’est, il y a peu de temps, rendu coupable du plus infâme des attentats, est bien capable d’assassiner sa femme. Non pas avec un poignard ou avec une corde, il est trop lâche, mais avec ses médecines. J’exige donc que votre fille soit transportée dans votre propre maison, et qu’on lui procure un médecin.

Pendant que Julian parlait, mon mari, penché vers moi, m’assaillait de menaces, d’injures et de prières.

— Ayez la bonté de demander à ma femme son avis sur la proposition que vous voulez bien lui faire, dit-il à Julian d’un ton ironique, en pressant ma main dans la sienne convulsivement.

— Mère ! mère ! crièrent mes enfants en se cramponnant aux draps de mon lit, ne nous quitte pas !

— Décide-toi, dit Julian en me regardant tout grave.

— Je reste, râlai-je.

Il me regarda une seconde fois, et pâlit comme terrifié. Oh ! que j’aurais voulu m’enfuir, m’éloigner, le suivre ! Mais le courage me manqua.