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LA FEMME SÉPARÉE

cent des fleurs, des herbes et des ramures. Tout est calme. Maintenant, un merle siffle dans le bois, un pinson chante. Tout près, à l’ombre, s’allonge un petit arbuste d’où semblent partir mille sons mystérieux — une note étrange et prolongée. Des abeilles vont et viennent, se blottissent sous ses feuilles, se posent sur ses branches, travaillent avec leurs têtes veloutées, leurs jambes agiles où la cire qui s’amoncelle fait de petites bosses jaunes. Des scarabées, d’un vert doré, se laissent tomber lourdement dans les herbes. Un hanneton à tête noire, au corps roux, se cache dans la mousse. Des mouches bourdonnent, de sveltes libellules se dressent dans l’air, prennent un élan et s’arrêtent plus loin, comme soutenues par la brise. Entre deux branches, une araignée a tendu sa toile où une petite coccinelle se berce gaiement comme dans un hamac ; des papillons blancs veinés de noir, d’autres en deuil, avec des yeux sombres sur les ailes, d’autres bleus, voltigent sur les fleurs et dans les foins ; des sauterelles culbutent avec un frisson strident. Une rainette grimpe le long d’une grosse tige, la tête en l’air, comme un gamin escaladant une perche. Sur un cerisier sautille un moineau, considérant avec dédain ses baies encore vertes ; un acacia, étendant ses rameaux chargés d’énormes grappes éblouissantes, embaume l’air. Et tout cela