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LA FEMME SÉPARÉE

j’appris bientôt que mon mari n’avait consenti si facilement à me laisser libre que parce qu’il ourdissait un plan avec mon père et qu’il avait besoin de mon intervention auprès de lui. Cette nouvelle me rendit plus insouciante que jamais. J’invitai Julian et son ami à célébrer ma victoire, le jour suivant, dans notre petit ermitage. Tous deux y vinrent. J’avais commandé un déjeuner superbe. Nous babillâmes, nous rîmes, nous fîmes sauter le bouchon de plus d’une bouteille de champagne, et je taquinai Turkul en prodiguant à Julian, en sa présence, les plus chaudes caresses.

Ce pauvre garçon, à qui une jeune fille avait joué le mauvais tour d’en épouser un autre à son nez, était légèrement hypocondriaque. Son humeur devint des plus noires lorsqu’il me vit revêtir ma kasabaïka princière, courir au miroir et couvrir les boucles de mes cheveux d’une petite confederatka garnie de fourrures. Ils perdirent tous deux la tête lorsqu’ils me virent, les bras croisés, les joues rosées par le champagne, les yeux étincelants, faire toutes sortes de plaisanteries.

Julian s’agenouilla devant moi et cacha son visage dans les plis de ma robe. Turkul alla vers la fenêtre, attrapa des mouches, et se répandit bien fort en imprécations contre la société, contre la vie et toutes ses désillusions.