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LA FEMME SÉPARÉE

ne pouvais rien attendre de lui : il était pauvre. Je me rendis chez Moscheles. Je priai, je pleurai. Son intention était de rendre la situation aussi difficile que possible. Ses calculs étaient, du reste, fort justes : il attendait ma chute, en présence des masses incalculables de chiffres qui nous menaçaient de la ruine. Je sortis de chez lui, pâle et mourante. J’avais un rendez-vous avec Julian. Il me trouva presque évanouie.

— C’est mon devoir de sauver le père de mes enfants, l’homme que j’ai trahi d’une manière aussi infâme ! m’écriai-je tout en larmes. Il faut que je le sauve à tout prix. En venant te voir, j’ai passé devant la prison pour dettes et j’ai regardé aux fenêtres grillées et noires. Elles m’ont donné un frisson. Il me semblait que mon mari était là-haut enfermé, et j’ai senti mes genoux fléchir à l’idée de cette honte. Il faut que je le sauve, le malheureux, il le faut ! Écoute Julian ! Tu sais si je t’aime ! Je t’adore comme je n’ai encore adoré personne, comme je n’aimerai jamais plus. Eh bien ! je te quitte… il le faut… je le dois…

— Que vas-tu faire ? s’écria Julian, tout pâle.

— Le misérable qui nous a ruinés sous le manteau de l’amitié, eh bien, cet homme m’aime ; il me désire, il me veut, il me l’a dit tout à l’heure. J’expie-