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LA FEMME SÉPARÉE

luisantes ; je maniais mon arme d’une main ferme, et, lorsque nous croisions l’épée, que j’évitais ses attaques avec la grâce d’une lionne, le poing gauche campé sur ma hanche, mon œil brillant dardé sur le sien, que je parais ses coups par de petits mouvements du coude, et qu’enfin, profitant de ses distractions fréquentes, je m’en rendais maître, le faisais reculer jusqu’à la muraille et que là j’appuyais sur son cœur la pointe de mon épée, l’illusion était complète : il tenait la réalisation de son rêve, il se trouvait en face de son idéal, de la cruelle Wlasta ![1]

La triste position financière dans laquelle se trouvait mon mari vint comme un formidable coup de foudre s’abattre sur notre bonheur.

Les créanciers ne voulaient plus patienter. Mon mari, qui jusque-là avait joué gros jeu, se trouva tout d’un coup dans la situation la plus critique. Menacé de toutes parts, affolé, il se tourna vers moi et implora mon aide. Le sentiment de ma culpabilité, l’idée que je le trompais, que je foulais chaque jour aux pieds ses droits, me donnèrent la force de le soutenir. Je savais que Julian aurait sacrifié son sang pour moi, s’il eût pu en tirer de l’or. Mais je

  1. L’héroïne de la guerre des Amazones, en Bohême.