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LA FEMME SÉPARÉE

dans de moi et luttent ensemble, comme deux tigres dans une même cage, qui cherchent à se dévorer ; je comprends cet homme qui aimait deux femmes, une vierge allemande, sévère et chaste, et une houri du paradis de Mahomet. Nos aïeux les païens blancs avaient donc raison d’adorer deux divinités : une noire et une blanche. Heureux Gleichen ! Mon âme a perdu sa compagne pour toujours. Je suis comme un esclave aujourd’hui. Je me tiens prosterné devant mon idole. Je l’ai trouvé, mon idéal si longtemps cherché, ma déesse aux boucles noires et aux regards sombres.

» Cela suffit. »

Mme de Kossow me prit le journal des mains et le ferma brusquement.

— Lorsque Julian m’annonça sa rupture avec Élisa, continua-t-elle, il ressemblait plus à un mourant qu’à un amant heureux. Il s’assit devant moi, absolument anéanti, laissant pendre ses bras entre ses genoux, la tête basse. Pas un mot ne s’échappa de ses lèvres. Je respectai sa douleur.

Quand il vint me voir, je ne lui offris même pas ma bouche pour me baiser. Il ne m’embrassa pas non plus. Des semaines s’écoulèrent. Je proposai à Julian de lire Shakespeare avec lui. Nous lûmes Hamlet, puis le Roi Lear, enfin Othello.

Arrivés à ce passage : « Mieux vaut être crapaud