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LA FEMME SÉPARÉE

pour Lwow, avant que Julian lâchât la bride à sa passion qui grandissait de jour en jour, il eut une explication avec sa fiancée, et lui rendit sa parole avec une franchise digne de son grand caractère.

Quant à moi, j’étais tellement habituée à tromper mon mari, je trouvais cela si naturel, qu’il ne me vint même pas à l’idée de comparer sa conduite avec la mienne et d’en rougir.

Mais attendez : vous lirez cela vous-même dans son journal, je ne peux lire ces passages sans que les larmes me montent aux yeux, bien que je les sache presque par cœur.

Mme de Kossow se leva, prit sur sa toilette le coffret noir, et en tira un petit manuscrit sur les pages jaunies duquel les caractères s’entrecroisaient, noirs comme des fourmis.

Elle le feuilleta, l’ouvrit tout à fait, et m’indiqua une page du doigt.

Je lus :

« Le 7 septembre. — Enfin, j’ai tranché ce nœud qu’il m’a paru si longtemps impossible de dénouer. Nous sommes séparés, Élisa et moi, pour jamais. J’ai perdu l’âme la plus chaste qui soit au monde. Comme elle s’était faite à mes idées, à mes habitudes, à mes rêves ! Nous nous comprenions comme peu d’êtres se comprennent. Nous éprouvions ensemble la joie, la douleur, la colère, l’extase et l’ad-