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LA FEMME SÉPARÉE

— Quoi donc ? répondit Turkul très calme. Il est possible que tes poètes hallucinés le prétendent, ou bien, peut-être, n’aimes-tu pas Mme de Kossow ?

— Moi, je l’aime plus que ma vie.

Julian, cependant, était hors de lui. Il trouvait indigne que j’aie initié un tiers à notre secret, fût-ce son plus fidèle, son plus cher ami. Je lui apparus comme une femme du monde équivoque. De plus, il se défendait contre la faute qu’on voulait lui faire commettre. Ses sentiments se révoltaient à l’idée d’abandonner sa fiancée. Il voulait me posséder sans perdre Élisa ; il voulait être heureux et rester honnête ; mais je lui avais ravi sa force : boucle après boucle, sa chevelure était tombée de son front sous mes ciseaux. Il était faible. J’aurais pu le lier avec les fils d’une toile d’araignée.

Lorsque je le revis, il était tout autre. Il ne m’était plus nécessaire de l’envelopper dans mes lacs. Ce fut lui qui s’empara de moi, comme un janissaire qui emporte son butin à la queue de son coursier. Sa passion éclatait avec la furie d’un élément déchaîné, et menaçait de briser les digues que la morale lui avait imposées jusqu’alors. Et maintenant que je me sentais emportée dans un tourbillon, que le terrain manquait sous mes pieds, et qu’on m’enlevait à des hauteurs vertigineuses, une angoisse immense me saisit ; j’eus peur de