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LA FEMME SÉPARÉE

fleurs et tourbillonnent au clair de la lune. Ils séduisent les humains, mais ils ne leur font aucun mal ; oh ! non, ils sont timides et doux. Seulement, dans leurs yeux qui brillent comme des étincelles, il n’y a pas d’expression, de sentiment.

— Croyez-vous ? dis-je d’un air digne. Dans ce cas, prenez garde de vous laisser séduire !

Je lui tournai le dos brusquement. Bien plus, lorsqu’il vint m’engager pour un quadrille, j’avais déjà, intentionnellement, disposé de toutes les danses. Il se retira sans parler dans un coin de la salle et resta là, la moitié de la nuit, songeur et me fixant de ses yeux tristes.

Je feignis de ne pas le remarquer. Je voltigeai à travers la salle avec un tel entrain, que les boucles de mes cheveux fouettaient ma nuque. Je ris beaucoup aussi avec mes danseurs, et me montrai très animée.

Je m’emparai de Turkul, qui me semblait de plus en plus le Sancho Pança de mon chevalier errant, et je lui confiai tous mes secrets et toutes mes appréhensions. Ma confiance lui monta à la tête comme une bouteille de champagne, et je le trouvai prêt à tout, surtout si je lui donnais un bon rôle.

Lorsque j’eus torturé Julian jusqu’au matin, je changeai de tactique. Une valse vint, où les dames avaient leurs cavaliers à choisir.