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LA FEMME SÉPARÉE

que son âme et sa personne étaient absorbées par Élisa et que moi je n’occupais que son imagination. Jusqu’à ce jour, Élisa m’avait inspiré de la compassion. Dès lors je la considérai avec envie ; elle me parut redoutable, et je me pris à la haïr : c’était une rivale.

Elle rentra. Il se faisait tard. Nous nous souhaitâmes une bonne nuit.

La distribution singulière des chambres dans la maison des Romaschkan — une collection choisie des originaux les plus intéressants que j’aie jamais vus — plaçait la chambre à coucher d’Élisa dans le voisinage immédiat de celle de son fiancé. Cela peut paraître invraisemblable, et c’est pourtant fort naturel. Mme de Romaschkan connaissait son fils et son honnêteté à toute épreuve. De cette manière, et comme je partageais la chambre d’Élisa, je me vis obligée de dormir près, tout près de lui. Une mince cloison nous permettait de nous entendre respirer, et cependant nous étions séparés par un monde.

Élisa tendit sa main à Julian, qui déposa un baiser sur le front de sa fiancée. À ce moment, je ressentis au cœur une piqûre profonde et douloureuse. Ensuite, il prit ma main et la porta respectueusement à ses lèvres. Nous fermâmes la porte qui nous séparait. Élisa en poussa les verrous avec