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LA FEMME SÉPARÉE

gez-moi, non par amour, certes, mais par pitié. Je n’ai plus de force, plus de foi, plus d’espérance.

Julian alla vers la fenêtre et regarda au dehors, dans la nuit pleine d’étoiles. Il me fut facile alors d’examiner son visage de profil, sans qu’il s’en aperçût. Oh ! comme le chagrin l’avait transformé ! Comme il était livide et maigre ! Pour m’approcher de lui, je me glissai doucement vers le piano, et je promenai mes doigts sur les touches. Puis je m’assis sur un petit fauteuil bas, devant l’instrument, et je commençai à jouer du Chopin. Vous savez ? un de ces nocturnes à la mélodie pénétrante. Julian s’était retourné vers moi.

Je lui tournais le dos, et je restais là, immobile, l’électrisant par des flots de symphonie, retenant mon haleine.

Quand le dernier accord eut résonné, je me levai. Une force inconnue m’attirait vers lui. J’essayai d’y résister. Nous restâmes quelques minutes debout, en face l’un de l’autre, confondant nos regards et nos pensées. Tout d’un coup, je ne sais comment, je me trouvai dans ses bras, attachant ardemment mes lèvres sur les siennes.

Nous passâmes un moment ainsi, aveuglés par notre félicité.

Mme de Kossow baissa doucement la tête sur sa