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LA FEMME SÉPARÉE

Il pâlit jusqu’aux lèvres.

— Je ne mentirai pas, dit-il, mais, puisque vous le savez si bien, pourquoi m’interrogez-vous ?

À ce moment, le fatal major nous rejoignit. Je pressai vivement sur mon cœur la main de Julian, et je quittai son bras.

— Il faut que je vous parle ce soir encore, lui dis-je à voix basse.

Il s’inclina.

Les premiers accords d’une valse résonnèrent. Le major vint m’engager, je le suivis. Tandis que je voltigeais avec lui à travers la salle, ce n’était que mon corps qu’il tenait pressé contre le sien. Mon âme rêvait un doux rêve ; il me semblait que deux longues ailes blanches me croissaient, comme celles des chérubins, et m’enlevaient au ciel, alors que je tenais dans mes bras l’homme le plus noble et le meilleur qui ait jamais vécu ; c’est ainsi que les flots de la passion me forçaient d’avancer avec lui ; et nous ne savions où nous allions, ni l’un ni l’autre.

Elle s’arrêta. Le canari avait gazouillé faiblement.

— À ce bal, continua Mme de Kossow, se trouvait une ravissante jeune fille de seize ans, la fille d’un propriétaire des environs. Elle avait été élevée à Lwow, chez sa tante ; elle avait connu Julian deux