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LA FEMME SÉPARÉE

— Songe donc… du Chopin maintenant ! — cela ennuierait la société.

Mon mari me poussa grossièrement, et me dit d’une voix rude :

— Pas d’histoires… joue ; je le veux !

— Jouez, je vous en prie, dit Julian en me conduisant au piano.

— Oui, puisque vous le désirez, dis-je doucement.

Je m’assis au piano d’un air résigné, et je me mis à jouer, au milieu des acclamations de la compagnie et des commandements de mon mari, que son ivresse mettait hors de lui. Ce fut un pénible moment ! Julian me délivra de ce supplice, en donnant le signal d’une danse française.

C’était la première fois que nous dansions ensemble.

Julian était distrait, maladroit. Il faisait à chaque instant des fautes qui dérangeaient tout le quadrille.

Ma toilette était ravissante. Je me sentais bien mise, très décolletée, et plus séduisante que je ne l’avais encore été. Aussi n’en voulais-je pas à Julian de son trouble ; au contraire, il m’intéressait. J’avais pitié de cet homme ; il supportait contre ses principes un rude combat, et je le sentais près de tomber.