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LA FEMME SÉPARÉE

veux et dont on n’est jamais sûr ; j’appris à tirer au pistolet, bien que cela agitât ma constitution, et à fumer ; avant tout, je me mis à porter une jaquette de fourrure, la même que portait Wanda, en velours violet, garnie de petit-gris.

Jusqu’à ce jour, je n’avais guère porté de fourrures, préférant, comme les Françaises, m’envelopper de moelleux et légers cachemires. Je me hâtai de sortir de mon armoire une lourde pelisse, un manteau magnifique que j’avais eu d’un héritage. Je le jetai sur mes épaules nues et je me rendis chez les Romaschkan, qui nous avaient invités à un bal.

Sans doute, vêtue ainsi, j’allais lui rappeler vaguement son idéal. En effet, lorsque j’entrai, en laissant tomber, d’un coup d’épaules majestueux, mon manteau de zibeline, je vis Julian pâlir. Il m’en débarrassa, avec le frisson que devait éprouver chaque nouveau favori lorsque la grande Catherine le fixait de son œil profond.

— Il hésite encore, pensai-je, mais il est déjà à mes pieds.

Bientôt, l’animation devint très grande, comme cela arrive dans une soirée restreinte. Jusqu’à minuit, les salons retentirent du bruit de la musique, du pas élégant des danseurs de mazurka, des voix et des rires. Comme d’habitude, je fus la reine de la fête ; même les vieillards aux moustaches blanches