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LA FEMME SÉPARÉE

fit dans son cœur, par sa lutte entre son devoir et sa passion !

La nouvelle n’était pas terminée, néanmoins. La fin en était incertaine. Mais je vis que Julian luttait péniblement et honnêtement, et j’en ressentis une joie immense. J’aurais pu chanter comme une alouette dans l’air bleu. La dernière page esquissait une scène avec Wanda, dans laquelle celle-ci essaye de l’attirer à elle à toutes forces. Elle lui parle de sa passion et cherche à le convaincre. Il lutte, il succombe, enfin elle le voit parterre, à ses pieds.

Ici finissait la nouvelle.

Il succombe, puis enfin il tombe à ses pieds.

— Toi aussi, tu seras bientôt à mes pieds ! m’écriai-je, et si haut, que je tressaillis et que mes paroles résonnèrent dans la chambre.

Wanda, c’était moi, mais mon portrait m’effraya. Il n’avait vu de moi que la taille et le visage, mes yeux foncés et mes boucles sombres. Pour le reste, il s’était servi comme modèle de son idéal, une amazone en bronze froid et dur, insensible des pieds à la tête. Et cependant j’étais sûre de ma victoire. Je n’étais pas capable d’être Wanda, mais son roman m’avait trahi l’idéal qu’il rêvait, et m’indiquait ce que j’avais à faire pour ressembler à Wanda. Je me décidai à monter à cheval, bien que j’eusse une crainte profonde de ces animaux capricieux, si ner-