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LA FEMME SÉPARÉE

une satisfaction qui m’étaient jusqu’alors restées inconnues. Cependant, et malgré nos relations journalières, Julian ne semblait éprouver pour moi qu’une douce amitié. L’estime qu’il me témoignait entretenait ma passion, et moi, qui jusqu’alors avais reçu l’adoration de tous comme une nourriture quotidienne, je vouai à Julian une sorte de culte, sans qu’il en parût touché le moins du monde.

Il m’apporta un jour le manuscrit d’une nouvelle, ou plutôt les premiers chapitres seulement. L’idée lui en était venue un soir que nous nous étions entretenus ensemble de toutes sortes de choses.

Je lus, je m’étonnai, et je continuai ma lecture.

Il me semblait que mon cœur allait se briser de joie. Cette œuvre était-elle vraiment l’écho de ses sentiments ? Elle était claire cependant, et m’expliquait son état sans réticences. La nouvelle avait pour titre : Wanda, C’était l’histoire vivement écrite d’une femme qui, trahie par son mari et par son amant, se consacre à la délivrance de son pays, joue un grand rôle politique, et est sauvée, au moment où elle court le plus grand danger, par un jeune homme. Il le nommait Anatole, mais je le reconnus sans peine : c’était lui, c’était Julian. Comme il dépeignait son amour pour Wanda avec une touchante vérité ! Combien je fus émue par son honnête et sincère amitié pour sa fiancée, par le combat terrible qui se