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LA FEMME SÉPARÉE

blier, si vous aviez un cœur altier. Mais, qu’est-ce que la fierté, lorsqu’on souffre ? Et vous souffrez réellement. Écrivez-lui encore une fois, mais sans orgueil, sans emportement et sans lui faire de reproche. Dites-lui que vous l’aimez toujours et comment vous l’aimez. Ne fardez pas vos paroles. Il faut qu’elles le touchent.

— Et c’est vous qui me donnez ce conseil, murmurai-je, très étonnée, vous ?

J’éprouvais encore un réel intérêt pour l’homme qui m’avait repoussée aussi cruellement, mais j’avais attendu, de la part de Julian, une tout autre consolation, et je cherchais vainement à m’expliquer tant de bonté, tant de générosité, si peu d’envie.

— Je n’ai pas encore tout dit, reprit Julian. Depuis que je pense et depuis que j’étudie les sentiments, rien ne m’a paru plus méprisable et plus horrible que la tromperie, la tromperie calculée et exécutée journellement. Non pas que je me permette de juger votre passé ; mais, croyez-moi, prenez une bonne résolution, et ne reculez pas devant une séparation en règle. Vous savez que chez nous la « femme séparée » est estimée bien autrement que l’ « adultère. »

Ces paroles m’anéantirent ; lorsqu’il fut sorti, je restai assise à la place où il m’avait quittée, et je réfléchis, je réfléchis longuement sur ma situation.