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LA FEMME SÉPARÉE

quelqu’un à sa rencontre, il l’évitait de cent pas, tout à fait comme don Quichotte dans les Montagnes-Noires, lorsqu’il fait pénitence parce qu’il se croit dédaigné par sa dame ; non pas que Julian se promenât nu, ou se frappât le front contre des troncs d’arbres. Non ! Mais lui aussi tailla des strophes dans les écorces et traça des élégies sur le sable. La nature opéra en lui une cure merveilleuse ; il se remit, et commença à écrire un nouveau livre. Le travail le guérit complètement. Lorsque vint l’automne et que je retournai à Lwow, je ne pensai à lui que trop souvent. Bientôt le comte recommença à me laisser sans nouvelles.

Je lui écrivis plusieurs fois sans obtenir de réponse. Enfin arriva une lettre, sèche et brève :

« Nous ne nous comprenons plus ; il vaut mieux cesser nos relations, pour quelque temps au moins. »

Je souffris horriblement ; j’espérais toujours ; chaque fois que la porte s’ouvrait, je croyais que c’était le comte. Ma vanité ne pouvait admettre un abandon de cette manière. Enfin, une apathie bienfaisante s’abattit sur moi.

À la suite de ces événements, ma position était tout autre, lorsque je rencontrai Julian par hasard dans la rue d’Arménie.

Son maintien était fier, sa physionomie paisible,