Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
LA FEMME SÉPARÉE

bénédiction du prêtre qui s’était changée en malédiction en me liant à un être que je haïssais et que je méprisais.

Julian tressaillait à chacune de mes paroles ; il m’interrompit, et commença à parler contre le mariage chrétien ; il blâma avant tout l’impossibilité dans laquelle nous mettent les lois de nous séparer en n’instituant pas le divorce. Il accorda à la femme, en fait d’amour, le même droit que celui que la société accorde à l’homme. Il parla de la nullité de tout devoir aussitôt que l’amour est éteint. Il ne parla ni de moi ni de lui, mais ses regards expliquèrent ses paroles, et par moments je sentais son souffle, comme une braise, enflammer ma joue.

— Si vous n’êtes pas heureuse, s’écria-t-il enfin, vous êtes libre, et ce n’est pas un péché d’en aimer un autre ; réfléchissez, je vous prie, et dites-moi s’il est un plus grand péché contre la nature que d’appartenir à un homme sans l’aimer ? Vous pouvez choisir entre des milliers ; car qui est capable de vous résister ?

En disant ces mots, et par mégarde je crois, il avait saisi ma main.

— Je ne pense pas d’une façon si générale, dis-je d’un ton glacé et bref, et je lui retirai ma main.