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L’AMOUR CRUEL

Confiant sa fille à la surveillance d’une vieille et fidèle servante, il partit.

Rachel parvint bien vite à attendrir la vieille par ses prières et ses larmes, et lorsque, le lundi gras, Lorenzo s’approcha masqué, de la fenêtre, elle lui fit signe d’entrer. Mais il ne leur était accordé que quelques moments d’entretien.

— Demain, dit Rachel, est le dernier jour du carnaval, la dernière nuit où les portes du Ghetto demeurent ouvertes. Je veux, Lorenzo, voir avec toi le veglione. Sous quel déguisement paraîtras-tu ? Dis-le-moi pour que je puisse te reconnaître ?

— Je serai en Sarrasin, et toi ?

— Moi ? demanda Rachel, et en un ravissant accès de coquetterie, elle laissa tomber à terre sa lourde chevelure, qui l’enveloppa tout entière d’un manteau protecteur.

— Ainsi, mon bien-aimé, ne suis-je pas suffisamment méconnaissable ?

Lorenzo entoura la délicieuse créature de ses bras, couvrant ses mains et son visage de fougueux baisers.

— Et cela s’appelle ?

— Une bohémienne. D’ailleurs, tu me reconnaîtras à ta bague.