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L’AMOUR CRUEL

sa marche, elle s’arrêta devant un buisson de myrthe, en détacha un rameau qu’elle brisa en deux, et me les tendit avec un sourire d’une indéfinissable espièglerie.

— Voulons-nous jouer au jeu del Verde ?

— Excusez-moi, je ne le connais pas.

— Eh bien, alors, il me faut vous conter la jolie aventure qui lui donna naissance.

C’était au temps de la Florence des Médicis. À cette époque, les Hébreux étaient relégués au Ghetto, dont les portes demeuraient closes depuis le coucher jusqu’au lever du soleil. Durant les heures de la nuit, aucun juif n’avait permission de quitter cet asile. Ceux qui avaient affaire aux chrétiens, se hâtaient de finir avant la tombée du crépuscule pour revenir auprès de leur famille, dans leurs maisons solidement fermées. Leurs femmes et leurs filles n’en sortaient que rarement, le jour du sabbat, pour se promener aux Cascines. Durant les seuls jours gras, les derniers du carnaval, les portes du Ghetto demeuraient ouvertes la nuit.