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LA CZARINE NOIRE

vieillard se détacha du cercle des assistants et, s’avançant d’un air résolu, se prosterna le visage dans la neige, en élevant les mains vers Narda.

— J’accuse devant Dieu et devant toi, dit-il, Gedmyn, le puissant boyard.

Gedmyn s’avança, rejeta sur son épaule son manteau bordé de zibeline et toisa le paysan d’un regard railleur.

— C’est moi que tu accuses ?

— C’est toi que j’accuse, reprit le paysan en tremblant. Ne m’as-tu pas arraché mon fils, mon fils unique ? Ne l’as-tu pas traîné de force à ton service, à la guerre ?

Gedmyn éclata de rire.

— C’est la coutume de boyards.

— Sommes-nous de tes gens ? Nous sommes sujets du czar, cria le vieillard, mon fils est libre et tu l’as emmené comme un esclave.

— As-tu un droit sur son fils ? demanda la czarine.

— Non, fit Gedmyn d’un ton bourru.

La taille haute, sa belle tête levée, il était comme un jeune dieu au milieu de l’assemblée, et soutint, sans trouble, le regard de la czarine.