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L’AMOUR CRUEL.

ment plus cruels que la passion de Sarah et les larmes d’Hannah. La froideur calculée de Miriam éveilla l’amour dans le cœur du vierge et mit tous ses sens en émoi. Plus d’une fois, il s’était senti poussé aux confins de la folie ; plus d’une fois, celui devant qui tous se prosternaient, avait été sur le point de se jeter aux pieds de sa femme en implorant sa pitié. Mais jusqu’à présent Miriam avait cru à la mission divine de son époux, et elle eût résisté à ses supplications par crainte de le priver de la grâce.

Maintenant, des doutes lui venaient. Elle songea aux paroles de la sultane et à celles du rabbi polonais et, finalement, se dit : « Sabbathai n’est point le Messie ». Dès lors, il ne s’agissait plus que de sauver la vie de l’homme qu’elle aimait. Il n’y avait de salut pour lui que dans sa chute, donc il devait tomber. Elle écrivit à la sultane et celle-ci lui promit son aide.

Une heure avant minuit, Miriam réveilla son époux et lui dit :

— L’esprit du Seigneur est en moi. J’ai vu le Maître du monde, entouré des dix Zéphiroths comme de vagues enflammées. Sabbathai, viens, lève-toi, et fais comme je te dirai.